L'Eglise Saint Léonard de LEAU (Zoutleeuw) PREMIERE PARTIE: Epoque et contexte 1. Introduction Léau est une petite ville du Brabant flamand, dont le nom neerlandais "Zoutleeuw" allie le Sel (zout) et le Lion (leeuw). On retrouve d'ailleurs un lion dans les armoiries de la ville. Sa principale église est dédiée à Saint Léonard, dont le patronyme latin "Leonardus" est apparenté au lion, puisqu'on y retrouve "leo" (lion) et "nardus" (baume parfumé). Or le lion est également un symbole utilisé en alchimie comme hiéroglyphe de la matière première. L'église renfermerait-elle un message alchimique ou ésotérique ? Certains y ont trouvé une confirmation en comptant 7 travées à la nef, 7 autels dans les 6 chapelles et le choeur, des triptyques divisés en 7 scènes, etc. Paul de Saint Hilaire, dans sa "Belgique Mystérieuse" (Rossel, 1973), y voit "une riche décoration alchimique basée sur la recherche de la Matière Première et les 7 opérations de l'Art Royal". 2. La ville de Léau
La ville de Léau aurait été fondée au VIIème siècle par Saint Remacle. C'est lui qui y créa la première église paroissiale, dédiée à Saint Sulpice, son maître. Léau serait une déformation de "leeuw" (lion). "Zout" aurait été ajouté au XVIème siècle, à une époque où, avec trois autres villes, elle aurait été autorisée à lever une taxe sur le sel. Léau fit partie de l'évêché de Liège du VIIème au XIIème siècle et passa en 1106 aux comtes de Louvain. L'activité principale de Léau fut le commerce du drap comme l'attestent les chartes de la ville et sa majestueuse halle aux draps (1316) encore visible sur la grand place. Sa position charnière entre le comté de Louvain et la principauté de Liège, sur l'axe routier Bruges-Cologne, lui valut la prospérité économique du XIème au XVIème siècle. Sa période la plus faste semble d'ailleurs être celle de Charles-Quint dont nous pouvons encore voir les armoiries et l'effigie sur le perron de l'hôtel de ville, face à l'église Saint Léonard. Son déclin commença lors des guerres de religion, quand elle prit parti pour le prince d'Orange contre le duc d'Albe. Si les gueux iconoclaste l'épargnèrent, par contre, en 1578, elle fut partiellement détruite par une expédition punitive espagnole. A partir de cette date épidémies, incendies, occupations et destructions se succédèrent. Ce n'est qu'après 1830 et l'indépendance de la Belgique, que la ville a pu renaître. 3. L'église Saint-Léonard
L'église paroissiale de Léau du VIIème au XIIIème siècle fut Saint Sulpice, qui se trouvait hors des remparts. Pour des raisons de sécurité, c'est la petite chapelle romane construite en 1125 à l'intérieur de la ville et dédiée à Saint Léonard qui devint l'église paroissiale en 1231. Elle fut agrandie au fil des siècles pour atteindre sa forme actuelle en 1551. On peut d'ailleurs s'étonner de la dimension et de la richesse de l'édifice dans cette petite ville qui, bien que très florissante, n'a pas joué de rôle notable sur le plan historique ou sur le plan politique. Elle ne fut pas non plus un lieu de pèlerinage important. Serait-ce dû à son opposition au duc d'Albe et aux espagnols ? Il faut remarquer que la plupart des grands lieux de pèlerinage dans nos contrées sont mariaux et ont connu leur apogée à l'époque espagnole: les dévotions y ont été fort encouragées par les archiducs Albert et Isabelle, c'est à dire au XVIIème siècle. L'absence de pèlerinage marial à Léau et le soutien de la ville au XVIème siècle au prince d'Orange et à la cause protestante sont probablement des explications. 4. Le comte de Hornes C'est le moment d'ouvrir une parenthèse qui éclairera peut-être notre recherche. Un vent d'opposition à l'occupant soufflait au XVIème siècle dans la région: Philippe de Montmorency, comte de Hornes, décapité sur la grand-place de Bruxelles en 1568 sur ordre du duc d'Albe, avait pris le parti des gueux. Si le comte de Hornes vivait à Weert (à 50 km de Léau), il avait installé dans son ancien château de Hornes, à quelques kilomètres de là, un certain René de Cerclaires, baron de Fontaine, surtout connu comme alchimiste. A la levée du séquestre qui suivit l'exécution de Montmorency, c'est de Cerclaires qui acquit le comté de Hornes, dont il fut investi en 1603 par le prince-évêque de Liège. Sa qualité d'alchimiste ne ressort pas seulement de rumeurs ou de légendes, mais - fait plus rare - d'un acte de Philippe IV d'Espagne (conservé aux archives départementales de Lille) qui l'autorise à "rechercher et exploiter les mines de ries, marcasites, fer ou autres des Pays-Bas, dont les minéraux fourniront de l'or et de l'argent quand il les aura épurés selon son invention" (Paul de Saint Hilaire, op. cit.). Bien que ces contemporains de l'apogée de Léau ne soient pas liés (à notre connaissance) à la ville ni à son église, leur histoire nous permet au moins de comprendre que toute allusion à l'alchimie en ces lieux n'est pas nécessairement farfelue ou le fruit de l'imagination. DEUXIEME PARTIE: La visite
Rendons-nous donc maintenant à l'église Saint Léonard. La facade est composée d'un grand portail flanqué de deux tours: la tour Sud, la plus massive, dédiée à Saint Léonard et la tour Nord, plus petite et pointue, dédiée à Sainte Barbara. 1. Le "Marianum"
Dès l'entrée dans l'église, l’attention du visiteur est attirée par une sculpture en chêne polychrome (1533) suspendue au milieu de la nef centrale, représentant une Vierge à double face. Une succession d'attaches, ponctuées de 7 sphères dorées disposées aux intersections, la relie au milieu de la voûte. Est-ce le symbole des 7 Eglises dont parle Saint Jean (Apocalypse 1, 20) ? Il s’agirait plus probablement des 7 Archanges ou des 7 esprits de Dieu, dont parle la même Apocalypse (3,1 - 4,5 - 8,2), ou d’une allusion aux 7 planètes. La Vierge est double donc, entourée des rayons du soleil, les pieds posés sur la lune, comme il est dit dans le Cantique des Cantiques 6, 10:
"Qui est celle-ci qui surgit comme l'aurore,
ou encore dans l'Apocalypse de Jean 12, 1:
"Et apparut un grand signe dans le ciel:
une Femme enveloppée du soleil, et la lune à ses pieds."
La Vierge aux joues vermeilles, tournée vers le portail d'Occident, accueille le visiteur en souriant ; elle est couronnée et porte l'Enfant Jésus sur son bras droit, sa main gauche tenant un rosaire. Le halo rayonnant qui l'entoure comporte de chaque côté 7 rayons flamboyants et 7 rayons droits, soit 28 rayons au total. L'Eglise y voit le symbole de la doctrine catholique qui fait de Marie la Médiatrice de toutes les grâces. De son talon gauche, elle terrasse un dragon représentant Satan, comme il est écrit dans la Genèse 3, 15, où Dieu s'adresse au serpent en disant:
" Je mettrai l'inimitié entre toi et la femme,
entre ta descendance et sa descendance:
La Vierge est entourée d'une guirlande en forme de rosaire de 55 roses, soutenu par 6 anges, formant avec la Vierge un groupe de 7 personnages. A chacun des 5 "pater" du rosaire, un écu remplace la rose et une des plaies du Christ y est figurée: le coeur, les mains et les pieds. La Vierge qui lui est adossée, regarde, elle, vers le choeur de l'église; elle semble plus grave et tient un linge en dessous de l'Enfant. Les Vierges à double face ne sont pas courantes.
Les personnages à double face connus dans l'antiquité sont Janus aux deux visages ou Castor et Pollux, les gémeaux. Christianisés ils deviendront les deux Saint Jean: Saint Jean d'été et Saint Jean d'hiver, puisque leurs fêtes se célèbrent respectivement aux solstices d'été et d'hiver. Dès lors, une autre explication pour les rayons flamboyants et droits les mettrait en rapport avec le soleil d'été et le soleil d'hiver. Les deux faces de la Vierge regardent respectivement vers l'Orient (lever du soleil) et l'Occident (coucher du soleil). Le symbolisme des 28 rayons qui entourent la double Vierge est solaire de par la couleur dorée, mais également lunaire de par le nombre des rayons: on peut donc y voir un sens cosmique. Le blason sur le socle commun comporte un oiseau sur une branche d'arbre et 3 cloches. Dans l'hagiographie médiévale, les oiseaux sont messagers des enseignements divins. Quant aux cloches, elles sont un instrument de communication entre le ciel et la terre; leur son a un pouvoir d'exorcisme ou de purification. Un sens de visite étant proposé aux fidèles, suivons-le donc maintenant ; peut-être nous aidera-t-il à mieux percevoir un message éventuel ? 2. Le choeur
Après avoir parcouru la nef - qui, soulignons-le, comporte 7 travées en partant du porche jusqu'au fond du choeur - nous arrivons au choeur entouré d'un déambulatoire. Retenons cette particularité que le choeur passe du 5 au 9, transformant un mur intérieur à 5 côtés (pentagone), en un mur extérieur à 9 côtés (ennéagone). Deux oeuvres d'art en laiton encadrent l'entrée du choeur: un superbe chandelier pascal (1483), à gauche, et un lutrin (1469), à droite. Leur symbolisme mérite qu'on s'y attarde. - Le chandelier pascal
Le chandelier mesure 5m68 de haut et possède une base hexagonale portée par 3 lions et 3 chiens accroupis, symboles, respectivement, de force et de fidélité.
6 bras se détachent du tronc et se terminent chacun en chandelier hexagonal; s'y
ajoute à l'avant plan, un chandelier solitaire, comme greffé au tronc, face à une
statuette de Saint Léonard (1). A l'étage suivant, 3 bras tournants s'élancent et supportent 3 figures de calvaire: Marie, Jean et Marie-Madeleine(1). Le pilier central se termine par un Christ en croix couronné d'un chandelier hexagonal destiné au cierge pascal.
Les 6 chandeliers hexagonaux entourant le chandelier pascal forment avec ce dernier un ensemble de 7 éléments: la Tradition les compare aux 7 esprits de Dieu ou aux 7 archanges devant le trône, qui sont en fait 7 aspects de Dieu. Cette symbolique du nombre 7 associé aux archanges est typique du XVIème siècle. En effet, en 1516, à Palerme, une fresque représentant 7 archanges est retrouvée et va donner naissance à un culte des 7 archanges dans une grande partie de la chrétienté. Une place toute particulière leur sera accordée dans nos régions, alors Pays-Bas espagnols, sous l'influence de Charles-Quint.
Dans la symbolique juive, le chandelier à 7 branches voit celles-ci mises en correspondance avec les 7 archanges et les 7 planètes. La branche du milieu représente l'archange Mikaël (dont le nom signifie "qui est comme Dieu") et correspond au soleil (ici le cierge pascal).
Mais alors que signifie le 8ème chandelier, à l'avant de l'ensemble et excentré par rapport à celui-ci ? On peut peut-être trouver une réponse dans Néhémie, le Livre des Macchabbées et la fête des 8 lumières ? Pour le Nouveau Testament, le 8ème chandelier symboliserait le Christ, l'homme du 8ème jour, puisqu'il est ressuscité le lendemain du Shabbat, qui est le 7ème jour.
- Le lutrin
3 lions accroupis supportent un fût annelé surmonté d'une forme sphérique sur
laquelle un aigle aux ailes déployées pose ses serres; entre celles-ci se trouve un
dragon bicéphale à queue nouée, donc soumis.
Le lion est un animal solaire; on le retrouve notamment aux côtés de Mithra, le
L'aigle au lutrin est un symbole chrétien courant, représentant Saint Jean
l'Evangéliste, mais aussi le Verbe lui-même ou l'Esprit divin. Il manifeste ici la puissance du Verbe qui domine le monde de la création (la sphère) et maîtrise la dualité du monde incarné (le dragon bicéphale soumis).
Nous ne nous arrêterons pas aux autres éléments du choeur qui datent des XIXème et XXème siècle et ont donc surtout un intérêt artistique ou esthétique. 3. Le déambulatoire
En parcourant le déambulatoire dans le sens contraire des aiguilles d'une montre, nous rencontrons d'abord une statue de Saint Léonard (2), avec crosse et mitre, à droite, et une statue de Sainte Barbara, avec un livre ouvert et une tour, à gauche, en rappel des tours de la façade qui leur sont dédiées. Citons ensuite, dans l'ordre de présentation, les statues du déambulatoire qui mélangent les époques et ne semblent pas correspondre à une suite ou à une progression voulue. Il s'agit successivement de Sainte Lucie, avec une épée, Sainte Marie-Madeleine(2), qui semble danser et tient un vase de parfum ouvert (le récipient dans la main gauche et son couvercle dans la main droite), une Madone, Sainte Anne avec la Vierge et l'Enfant, Sainte Catherine, avec un livre et une roue, Saint Laurent, avec un livre et un gril, Saint Hubert, avec un livre et une mitre, Sainte Apollonie, enceinte, Sainte Brigitte, avec une vache, Saint Florent, avec ciseaux et épée, l'archange Saint Michel, un Christ ressuscité, une Sedes Sapientiae (Marie, Siège de la Sagesse) et enfin, à nouveau, une statue de Saint Léonard (3) mitré, crossé et portant des menottes (celle-ci se trouvait antérieurement sur l'orgue, dans le fond de l'église). Nous arrivons ainsi au transept du côté Nord.
4. La chapelle du Saint Sacrement
La pièce maîtresse de l'église Saint Léonard est la tourelle du Saint Sacrement, appelée également Tabernacle, située dans ce transept nord. Datant de 1552, elle mesure 18m de haut et comporte quelques 200 sculptures. Construite en forme d'ostensoir de style gothique, elle est appuyée contre le mur et présente 5 côtés visibles. La tour, inscrite dans une sorte d'enclos, repose sur 3 marches et comporte 9 étages. Il y a quelques années (jusqu'en 1992 au moins) la bordure de pierre qui ferme l'enclos servait de base à une magnifique clôture en laiton massif, portant 9 chandeliers. Elle était garnie de statues à moitié dévêtues et de cornes d'abondance. Est-ce ce côté un peu païen qui l'a fait retirer ? Le pied de la tour comporte 2 rebords à 5 côtés chacun: le premier est purement décoratif, le second représente des scènes de sacrifices, holocaustes et offrandes tirées de l'Ancien Testament.
Le 1er étage est constitué de 4 atlantes qui supportent l'étage suivant: Melchisédec, David, Aaron et Moïse. Entre eux, 5 scènes de la création et de la chute: la création d'Eve, l'arbre de la connaissance, le péché originel, l'expulsion du paradis et Caïn tuant Abel. Au 2ème étage est installé le tabernacle proprement dit. 4 figure symboliques l'entourent: la Sagesse, la Clémence, la Vigilance et la Justice. Il est fermé par 3 portes de fer ajourées et polychromes surmontées, respectivement, d'un blason au lion sortant des vagues, d'un calice et d'un blason aux 3 marteaux et 3 roses. Au 3ème étage, les 4 Evangélistes avec leurs attributs encadrent 3 scènes: la rencontre d'Abraham et Melchisédech, la dernière cène et la manne du désert. Au 4ème étage, sur des supports en forme de petits temples ronds, la Foi, l'Espérance, l'Amour et la Charité. Entre elles, des vierges et des martyrs avec les attributs de leur supplice. Au 5ème étage, les Pères de l'Eglise occidentale: Augustin, Grégoire, Jérôme et Ambroise, entourés d'évêques et d'autorités qui ont défendu le mystère de l'eucharistie. Au 6ème étage, 4 statues couronnées: rois d'Israël ou martyrs ? peut-être les 4 couronnés ? Au 7ème étage, 6 prophètes et légistes. Au 8ème étage, 6 anges encadrent l'Enfant Jésus enseignant. Au 9ème étage, le couronnement de la Vierge, surmonté d'un pélican s'ouvrant la poitrine pour nourrir ses petits, symbole du Christ offrant son sang pour sauver l'humanité.
Cette tour est évidemment, au sens premier, un résumé de l'histoire de l'homme. Partant de la faute originelle, on passe par les étapes de l'institution de la sainte eucharistie comme moyen de la réconciliation avec Dieu: comme Melchisédech a consacré le pain et le vin, comme la manne du désert a nourri le peuple dans le désert, ainsi la cène instituée par le Christ et le mystère de l'eucharistie nourrissent et maintiennent les fidèles qui errent dans le désert du monde. Les personnages représentés en ont été les acteurs ou les témoins. Le pélican, symbole du Christ, qui couronne la tour, confirme le caractère continu et permanent de la Rédemption. 5. Les chapelles latérales
Les chapelles latérales qui vont suivre furent rajoutés au XVIème siècle par les corporations. Le symbolisme des oeuvres qu’elles contiennent est-il voulu et suit-il un but précis ? On y retrouve en tout cas des constantes. Continuons donc notre visite en suivant les nefs latérales du Nord au Sud, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. - La chapelle Saint Roch
Sur l’autel un retable composé de Sainte Catherine, une roue à ses pieds, la Vierge, Saint Joseph et l’Enfant Jésus; il est surmonté de Saint Antoine (qui protège du feu), avec un cochon, de Saint Roch, avec un chien, et de Saint Sébastien, avec une flèche. A gauche de l’autel, “le repas chez Simon”: Marie-Madeleine(3) y lave les pieds de Jésus et les oint de parfum (le vase de parfum est à l’avant-plan). A droite, la légende de Marie-Madeleine(4) en 3 panneaux: Marie-Madeleine y figure devant la Sainte Baume, une ampoule à ses pieds, Marie-Madeleine recevant le viatique de Saint Maximin et Marie-Madeleine avec Lazare et Marthe (qui dompta la Tarasque en l’aspergeant d’eau bénite). Autres statues: Saint Guidon d’Anderlecht, avec un boeuf, et David dansant (devant l’arche ?).
- La chapelle Notre-Dame
Le retable de l’autel (1520) est divisé en 3 panneaux, le central représentant les 7 Douleurs de Marie. Parmi les sculptures: une Vierge en majesté, Saint Thomas, avec un livre et une équerre, et Sainte Dymphna, avec une épée et un petit diable. Sur les volets extérieurs, l’arbre de Jessé, avec sur une branche Marie et l’Enfant Jésus, et ce texte:
“Descendet sicut pluvia in vellus…Ecce virgo concipied et pariet Filium” (Il descendra comme la pluie sur l’herbe fauchée…voici la jeune fille enceinte, Elle enfante d’un Fils).
Cette pluie fécondante a probablement un sens alchimique. Face à l’autel: Saint Jacques le Mineur, avec un livre à double serrure et Saint Philippe, avec un livre, encadrent Saint Georges à la cuirasse d’or, monté sur un cheval et terrassant un dragon gris-vert. Le devant du caparaçon porte un soleil aux
rayons flamboyants et droits alternés, encerclé de petites arbalètes, référence aux arbalètriers de Léau qui avaient pour devise “die deet groeien en bloeien” (qui fait pousser et fleurir). Une fontaine de jouvence entourée de personnages figure à l’arrière du caparaçon.
- La chapelle Saint Erasme
Sur l’autel, un triptyque (1554) dont le panneau central évoque les 7 Joies de Marie, à ses pieds 3 anges aux ailes de papillon. Les volets comportent des scènes de martyres: Saint Erasme, vidé de ses entrailles, Saint Blaise, la peau raclée, Saint Laurent, brûlé sur un gril, Sainte Agathe aux seins coupés et Saint Etienne, lapidé. L’Eglise y voit une évocation typiquement populaire de la foi dans les martyrs; peut-être peut-on y voir également, dans un sens alchimique, des opérations successives ayant pour but d’obtenir un changement d’état de la matière (rappelé par les ailes de papillon).
- Les fonts baptismaux
En forme de ciboire, ils reposent sur un socle hexagonal.
- Le porche
En nous dirigeant vers les chapelles de la nef latérale sud, nous passons devant le porche au dessus duquel se trouve un triptyque dont le panneau central évoque 7 souffrances duChrist (moments où il versa son sang). Les panneaux latéraux représentent le martyr de Sainte Barbe, décapitée, et de Sainte Lucie, brûlée. Sur la prédelle un dragon dans l’eau du Tibre et Saint Michel au dessus du Château Saint Ange (Rome).
- La chapelle du Saint Sépulcre
Sur le panneau principal on reconnait Marie, Marie-Madeleine(5), porteuse d’un vase et vêtue d’une robe brodée d’or et d’un manteau de velours rouge, et Marie Salomé.
- La chapelle Sainte Anne
Au centre de l’autel, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus qui prend en main une grappe de raisin (symbole de connaissance ?). Le retable de Sainte Anne qui le surplombe est décoré de scènes de la vie de Sainte Anne et de la Vierge. Notons les brins de muguet (“lys de la vallée”) présents à plusieurs endroits, emblèmes de la Chambre de Rhétorique de Léau qui avait Sainte Anne pour patronne. Autres personnages: Saint Léonard(4) avec crosse, livre et menottes, Saint Egide, avec une flèche, un livre et un faon, et Sainte Hélène, avec un livre ouvert et la croix. A gauche du retable: la légende de Longinius, l’officier romain qui transperça le flan du Christ avec sa lance et recouvrit la vue après s’être converti.
En face de l’autel se trouve le retable de la Sainte Croix qui illustre le récit de la “Légende Dorée” de Jacques de Voragines ; aux pieds de la croix: Marie- Madeleine (6), Longinius et un troisième personnage. La vision de Sainte Hélène et Constantin est rappelée par l’inscription
“in hoc signo vinces” (par ce signe tu vaincras).
Deux volets peints représentent Saint Gilles, avec une flèche, un livre et un faon, et Sainte Catherine, avec une épée, un livre et une roue. Le Christ figure sur un arc-en-ciel.
- La chapelle Saint Hubert
La chapelle Saint Hubert est située à même hauteur que la chapelle Notre-Dame (nef Nord), exactement à l’opposé de celle-ci. Comme dans cette dernière, les 7 Douleurs de Marie y sont représentées. A gauche, le martyr de Saint Maurice et de ses légionaires (décapités), à droite, le martyr de Saint Acatius et de ses soldats (crucifiés). Les anges y ont des ailes de papillons. En face de l’autel, le retable de Saint Hubert et un tableau représentant sa conversion. - La chambre du trésor et la sacristie
Elles ne sont pas accessible en permanence au public et les oeuvres diverses qui y sont rassemblées présentent un intérêt artistique sans doute, mais ne semblent pas s’intégrer dans un ensemble symbolique éventuel.
6. La chapelle Saint Léonard Cette chapelle occupe tout le transept Sud. Le patronyme du saint rappelle à la fois un lion et un baume parfumé, comme l’atteste l’inscription figurant sur la “cloche de feu” de la tour de droite de l’église:
“Sum leo, sum nardus, michi nomen est Leonardus” (je suis le lion, je suis le baume parfumé, je m’appelle Léonard).
La seconde partie de l’inscription n’est pas moins intéressante:
“femineos artus anxiatos pondere partus, demone vexatos ac compede solvo ligatos” (mon rôle est d’assister les femmes angoissées dans les douleurs de
l’enfantement, de délivrer tous ceux qui sont tourmentés par le démon et de délier les liens de ceux qui sont enchaînés).
Sur l’autel, le retable de Saint Léonard (6) divisé en 7 scènes réparties sur 3 tableaux. Le panneau central qui représentait autrefois un calvaire a aujourd’hui disparu et est remplacé par une statue du saint. Les volets latéraux nous décrivent 6 épisodes de sa vie. Saint Léonard est invoqué aujourd’hui par les femmes enceintes, pour les enfants en mauvaise santé ou contre les rhumatismes, mais à l’origine il était avant tout l’intercesseur des prisonniers. A droite de l’autel 4 fresques de saints: Saint Servais, Saint Roch, Saint Albert et Saint Egide.
A gauche de l’autel, dans une niche, la statue de Saint Léonard(5), dit des Rogations (1505). Il est assis sur un siège surmonté d’un baldaquin et lit le livre des règles posé sur sa main droite; du côté gauche, il tient une crosse et une chaine terminée par des menottes. Au dessus de la niche, en plein cintre, un oeil inscrit dans un triangle rayonnant, symbolisant l'oeil divin et la Trinité. Sous la niche pend une grande lanterne derrière laquelle un tableau représente un jeune estropié guéri par le saint. La “Légende dorée” de Jacques de Voragines, rapporte que Léonard obtint de Clovis, roi de France, la faveur de renvoyer immédiatement absous tous les prisonniers qu’il visitait. Les prisonniers qui l’invoquaient et qui se voyaient libérés de leurs chaines venaient ensuite les offrir à Léonard en signe de gratitude. La grande quantité de chaines suspendues devant son tombeau, après sa mort, témoignent des miracles qui lui furent attribués. Pour le chrétien, la libération c'est bien entendu, la rédemption. C'est donc toute l'aventure de l'homme intérieur qui doit germer et aboutir à la rédemption et à la résurrection, c’est à dire à la transmutation en corps glorieux. Le Christ l'a bien dit: "mon royaume n'est pas de ce monde" et notre vraie patrie est le royaume des cieux. Remarquons enfin qu'on retrouve des fers de prisonniers dans de nombreux lieux de pèlerinage du moyen-âge, et principalement dans ceux où sont vénérées des Vierges Noires, où ils font office d'ex-voto, témoignant, au delà des légendes, que des pèlerins, prisonniers du monde et de ses passions ou prisonniers de l'ignorance, y ont reçu la lumière de la connaissance. Pour ceux qui auraient un doute, la lanterne en dessous du saint et l’oeil rayonnant de Dieu au dessus de lui, sont là pour confirmer cette interprétation. TROISIEME PARTIE: tentative d'interprétation Au moyen-âge, les églises et surtout les cathédrales étaient considérées comme les “biblia pauperum” (les livres des pauvres). L’église Saint Léonard de Léau est certainement un de ces livres à la disposition des fidèles. De même que la Bible peut se lire à différents niveaux, une église aussi se lit à plusieurs niveaux: - au premier niveau c’est un livre d’images, les unes historiques, les autres
- au deuxième niveau c’est un sujet de dévotion et un témoignage de la foi; - au troisième niveau c’est un message plus ésotérique, touchant au plan spirituel et
au domaine mystique qui nous est livré: nous prendrons pour exemples le mystère de l’Eucharistie et le mystère de la Rédemption, thèmes de la tour du Saint Sacrement ou la libération de l’esclavage que nous propose la chapelle de Saint Léonard; il nécessite un effort supplémentaire et est davantage lié à une forme de connaissance qu’à la foi aveugle; on peut même parler d’une approche initiatique dans certains cas;
- au quatrième niveau c’est le message alchimique qui domine; étant crypté, il
nécessite un travail de décodage et s’adresse à un plus petit nombre encore.
Ce qui complique un peu les choses c’est que les allégories et les symboles utilisés peuvent souvent se lire à plusieurs niveaux, avec chaque fois des interprétations différentes. Sainte Barbara, par exemple, peut être le sujet d’une image édifiante, un symbole de la foi inébranlable, un moyen d’accéder à la connaissance ou un emblème représentant le four des alchimistes, selon le niveau de lecture, un sens n’enlevant rien aux autres. En général, le contexte et aussi un peu d’expérience, peuvent nous indiquer le sens le plus approprié, mais dans certains cas une véritable initiation est nécessaire. Le terme initiation, qui signifie notamment commencement, sous-entend ici que le domaine où l’initié fait ses premiers pas, est d’une autre nature que celui dont il est coutumier et peut-être même dire qu’il nécessitera un changement radical dans sa manière de voir la vie. Il implique aussi que l’initié aura des épreuves à surmonter pour atteindre son but: celui qui croit que l’initiation consiste en une recherche intellectuelle risque fort de ne jamais évoluer réellement et de rester prisonnier de son ego. Mais revenons à notre tentative d’interprétation. Il ne fait pas de doute que la répétition des mêmes nombres, symboles et allégories, que nous rencontrons à Léau, a un sens particulier; cette insistance à nous proposer certains thèmes et certains personnages n'est pas dûe au hasard et contient un message particulier destiné au chercheur que nous sommes tous, à un moment ou à un autre de notre pèlerinage terrestre. Nous avons déjà vu, en plus du sens historique ou religieux, un sens plus spirituel, comme les références à la Rédemption dans la chapelle du Saint Sacrement ou dans la chapelle Saint Léonard. Essayons maintenant de regrouper les principaux thèmes et symboles que nous n’avons pas encore développés.
1. Le bestiaire sacré
Commençons par la tour du Saint Sacrement Dès le second siècle de notre ère les auteurs chrétiens ont utilisé la fable, égyptienne à l'origine, du Pélican vivifiant ses petits et ont fait de cet animal l'emblème du Rédempteur. La "clef" de Saint Méliton précise qu'il représente le Seigneur Christ en sa passion. Au XIIIème siècle, Albert-le-Grand a écrit des commentaires à propos du pélican et a probablement joué un rôle dans l'utilisation de ce symbole dans nos contrées: il a en effet vécu et enseigné à Louvain, toute proche. Mais c'est surtout Saint Thomas d'Aquin, élève d'Albert-le-Grand, qui a attaché au pélican l'idée du rachat de l'âme humaine par l'ablution purificatrice du sang divin. Dans son hymne "Adoro te" qu'il composa pour "l'Office du Saint- Sacrement", il dit:
"Pélican plein de bonté, ô Seigneur Jésus
Toutes les scélératesses de ce monde."
Même Dante le mentionne dans sa "divine comédie" (Le Paradis, ch XXV), quand il écrit en parlant de Saint Jean:
"Voilà celui qui reposa sur le sein de notre Pélican; ce fut lui que,
du haut de la croix, Jésus élut pour le grand devoir."
2. la symbolique des nombres
Le choeur Nous avons vu que son architecture passait du 5 au 9. Le 5 est le nombre de l’homme qui s’intègre dans le monde matériel et qui l’anime. C’est l’homme pentagramme, avec ses 5 sens (Georges Guilpin). Le 9 représente la loi de connaissance, les études, la recherche et la quête; il représente la somme théosophique de tous les autres nombres. (Philippe de Louvigny). La tour du Saint Sacrement Symboliquement le pélican nous fait passer du neuvème étage de la tour au couronnement qui constitue le 10ème niveau. Si nous sommes partis de 1, l’unité et que nous sommes arrivés à 9, l’extension vers les autres et la loi de connaissance (voir supra), 10 est le retour à l’unité après un cycle de connaissance. Le 10 est l’aboutissement et le nouveau point de départ: il symbolise le perfectionnement et la renaissance (Georges Guilpin). Le passage à 10 symbolise dès lors le passage au nouveau cycle ou à un autre plan. On pourrait également faire un rapprochement avec l’arbre séphirotique des Hébreux, le pélican correspondant à “Kether” (la couronne), 10ème séphira. Le nombre 7
Dans la symbolique chrétienne, 7 est le nombre de la plénitude et de l'universalité. Ainsi Saint jean, dans l'Apocalypse, s'adresse aux 7 Eglises de la part des 7 esprits qui sont devant le trône:
"Et je vis les 7 anges qui se tiennent devant Dieu,
et il leur fut donné 7 trompettes." (Ap 8,2)
"Et du trône sortent des éclairs, et des voix et des tonnerres.
Et, brûlant devant le trône, 7 torches de feu qui sont
Saint Jean lui-même reprend là un thème présent dans Zacharie:
"Je vois là un candélabre tout en or, avec un réservoir à son sommet,
7 lampes sont sur le candélabre, ainsi que 7 becs
pour les lampes qui sont à son sommet.
"Quant à ces 7, ce sont les yeux de Yahvé qui rodent par toute la terre."
En numérologie, 7 symbolise le retour à l’un et au repos, en souvenir sans doute du 7ème jour de la création. Il est l’addition de 4, la matière, et de 3, l’esprit, qui font 7, la force spirituelle. Chez les Hébreux, il correspond à la 7ème séphira, la Victoire. D’une façon plus large, 7 symbolise aussi l’univers: les 6 directions de l’espace et le point central. Rappelons enfin qu’au XVIème siècle, les alchimistes donnaient la préférence à une méthode plus rapide, appelée “voie sèche”, pour réaliser leur grand’oeuvre, par opposition à la “voie humide” traditionnelle, plus longue. Cette méthode leur permettait, nous rapporte la tradition, de réaliser leurs opérations en 7 étapes au lieu de 12. On lira avec intérêt à ce sujet l’ouvrage de Paul de Saint Hilaire “la grand place alchimique” (Rossel, 1978).
3. le symbolisme alchimique
Un sens alchimique général ou une succession ordonnée de significations particulières peuvent-ils être dégagés ici ? Certains l’estiment possible - tout comme ce serait le cas, paraît-il, pour la grand-place de Bruxelles - mais seul un Alchimiste véritable pourra, le cas échéant, nous le confirmer. En attendant ce maître providentiel, nous ne pouvons qu’essayer d’épeler les mots que nous rencontrons et tenter d’y discerner un sens et une cohérence. Nous prendrons pour ce faire comme guide un savant bénédictin du XVIIIème siècle, Dom Antoine-Joseph Pernety et son “Dictionnaire Mytho-Hermétique (Paris, 1787), pour essayer de décrypter les hiéroglyphes de l’église Saint Léonard. Saint Léonard Nous avons vu le sens de “leo” et de “nardus” plus haut, mais il y a aussi le sens alchimique de “lion” et de “nar”. En effet, Dom Pernety écrit :
“les Philosophes Chymistes emploient souvent ce terme dans leurs ouvrages, pour signifier une des matières qui entrent dans la composition du magistère”
Léonard signifierait dès lors la matière première soumise au feu. Le Marianum La Vierge pourrait-elle avoir un sens particulier en alchimie ? Dom Pernety: “Vierge”: “Lune ou eau mercurielle des Philosophes après qu’elle a été purifiée des soufres impurs et arsénicaux auxquels elle avait été mariée dans sa mine. Avant cette purification, elle est nommée la “Femme prostituée”… “Prenez une vierge ailée, très-pure et très-nette, pénétrée et animée de la semence spirituelle du premier mâle, et néanmoins vierge quoiqu’elle ait conçu; vous la connaîtrez à ses joues vermeilles; joignez-la à un second mâle, sans crainte d’adultère… “Ils ont encore appelé Aigle cette vierge ailée, et le second mâle Lion”. (op. cit. p 373)
Voilà qui éclairerait le rapport Vierge-Léonard.
“Le Lion est l’exaltation de Mercure; la Vierge est aussi l’exaltation de Mercure”…“Les maisons propres de Mercure sont les Gémeaux et la Vierge” (op. cit. p 387)
Est-ce pour cette raison que la Vierge, comme les Gémeaux, est double ?
“Le Cosmopolite dit que leur mercure se tire du ventre d’Aries, …celui qui saura l’extraire des rayons du Soleil et de la Lune, trouvera ce que tant de gens cherchent”. (op. cit. p 388)
Ces rayons sont-ils ceux (28 au total) qui entourent la Vierge du “Marianum” ? Et les 7 sphères au-dessus d’elle ?
“Considérez que les vertus des Planètes ne montent pas, mais descendent”. (op. cit. p 389)
Citons également Basile Valentin dans sa 6e Clef:
“Enfin que les 12 signes du Lion Zodiaque faisant leurs constellations avec les 7 Gouverneurs de l’Univers, se regardent tous d’un bon oeil, et qu’après que toutes les couleurs seront passées, la vraie conjonction se fasse”.
L’ennui est que le rosaire qui entoure la Vierge est tenu par 6 anges et non 12; à moins de les compter deux fois, une fois pour chaque face, puisque la Vierge est double ?
Signalons enfin, par simple parenthèse, que c’est sous le pseudonyme de
“Rosaire” qu’un Philosophe a détaillé certaines opérations ou conditions du travail de la Pierre.
La tour du Saint Sacrement
Nous avons vu le sens symbolique du Pélican précédemment; il a également un sens alchimique: c'est en effet dans le sens de "purification" intégrale que les
anciens Alchimistes ont considéré le pélican, quand ils ont désigné sous le nom de "sang de pélican" l'état des éléments destinés au grand oeuvre, après une purification initiale ("Le triomphe hermétiste de la pierre philosophale", Ed. Desbordes, 1704, p 129). Nous avons également vu comment le Pélican était associé à la Rédemption, thème principal de la tour, or, nous dit encore Dom Pernety (op. cit. p 93):
“John Dee a fait dans son traité de l’Oeuvre des Sages, une comparaison très étendue de la pierre philosophale, avec le mystère de notre Rédemption. Son traité a pour titre: “Monas Hieroglyphica””.
Sans voir dans toutes les représentations de la croix une signification
alchimique, il faut néanmoins en tenir compte si le contexte dans lequel elle se trouve s’y prête. Ecoutons de nouveau Dom Pernety (op.cit. p 93): “Croix”:
“Jean de Roquetaillade et Arnaud de Villeneuve disent dans leurs ouvrages sur la composition de la pierre des Philosophes: “il faut que le Fils de l’Homme soit élevé sur la croix avant que d’être glorifié”; pour désigner la volatilisation de la partie fixée et ignée de la matière”.
C’est dans la chapelle Sainte Anne, avons-nous vu, que l’invention (dans le sens
de découverte) de la croix est détaillée, en particulier la vision de Sainte Hélène et l’inscription “in hoc signo vinces” (par ce signe tu vaincras).
Ceci n’est pas sans rapport avec ce commentaire de Dom Pernety (op.cit. p 93) :
“La croix est, comme chez les Egyptiens, le symbole des quatre éléments. Et comme la pierre philosophale est, disent-ils, composée de la plus pure substance des éléments grossiers, c’est-à-dire, de la substance même des éléments principes, ils ont dit: “in cruce salus” (le salut est dans la croix); par similitude du salut de nos âmes rachetées par le sang de Jésus-Christ attaché sur l’arbre de la croix”.
Sainte Marie-Madeleine C’est un des personnages qui nous intrigue le plus, dans cette église. Pourquoi y est-elle représentée à 6 reprises, autant de fois que le saint patron Léonard ? Seulement parce qu’elle est très populaire ? Le fait qu’elle soit associée à Saint Léonard ne nous semble pas fortuit. Marie-Madeleine n’est-elle pas représentée chaque fois avec son vase de parfum ou d’aromates, ce qui en fait l’égale du “lion au baume parfumé” ? Ensuite, Marie-Madeleine est une ancienne pècheresse, repentie et pardonnée. Sur le plan alchimique, n’est-elle pas elle aussi, la “Femme prostituée” (voir supra) qui a connu la purification ? Son attribut principal est un vase d’aromates. Or, en alchimie, ce vase est riche de significations:
“Vaisseau dans lequel on met la matière de l’oeuvre, pour qu’elle s’y cuise, s’y digère et s’y perfectionne”;
“Le vase secret des Philosophes est leur eau, ou mercure, et non le vase de verre qui contient la matière”. (op. cit. p 366)
“Couvercle du vase”: “C’est le plus noir que le noir même, ou la matière parfaitement dissoute, et dans une entière putréfaction”.
“Baume”: “C’est, selon les Philosophes Spagyriques, leur élixir au blanc ou au rouge, qui guérit toutes les infirmités des trois règnes de la Nature, et perfectionne tous les individus”.(op.cit. p 66)
Sainte Barbara et sa tour D’où vient-il que les Alchimistes du Moyen-Age l’ont prise pour patronne ? Sa légende est tout simplement la version chrétienne de la fable de Danaë, mère de Persée. Dans les deux cas l’héroïne, d’une grande beauté, est enfermée par son père dans une tour, pour la soustraire à ses prétendants. Dom Pernety donne la clef suivante (op. cit. p 97):
“ La Fable dit que Jupiter voulant jouir de Danaë renfermée dans une tour, s’y introduisit sous la forme d’une pluie d’or. Selon les Philosophes Spagyriques, il faut expliquer cette fable des (par les) opérations de la Pierre Philosophale. La tour où Danaë était renfermée, est l’athanor ou four philosophique fait en forme de tour, dans lequel on met l’oeuf, et dans cet oeuf le mercure, représenté par Danaë, avec lequel on fait la jonction, ou, comme ils disent, le mariage du soufre représenté par Jupiter”.
Sainte Catherine et sa roue Sainte Catherine d’Alexandrie, belle et cultivée, mais chrétienne, fut condamnée à être déchiquetée par une roue à pointes après qu’elle ait démonté les arguments de 50 philosophes. Mais la roue se brisa au moment où on la mettait en marche. Elle est la patronne des philosophes chrétiens. Dom Pernety écrit (op. cit. p 320):
“Tourner la roue, c’est observer le régime du feu. “Faire la circulation de la roue, c’est recommencer l’opération, soit pour faire la pierre, soit pour la multiplier en qualité. “La roue élémentaire des Sages, est la conversion des éléments Philosophiques, c’est à dire, le changement de la terre en eau, puis d’eau en terre; l’eau renferme l’air, et la terre contient le feu”.
Saint Laurent et son gril Griller est équivalent de cuire (Dom Pernety, op. cit. p 150).
“C’est laisser agir la matière unique dans son unique vase, par le feu philosophique, sans jamais y toucher, jusqu’au point connu des Sages; c’est à dire, jusqu’à la perfection de chaque opération, ou disposition, pour s’expliquer comme Morier.”
Saint Georges et le dragon Saint Georges brandit une épée, alors que sa lance est fichée dans le corps du dragon, ce qui semble indiquer que le volatil est déjà en cours de fixation; par ailleurs la queue nouée du dragon indique sa soumission. Il faut en effet fixer ce qui est volatil: c’est le rôle de Saint Georges et de sa lance-soufre, qui doit combattre le dragon-mercure, avant de le fixer, comme dit Dom Pernety (op. cit. p. 106):
“parce que le mercure philosophique étant très volatil, est très difficile à endormir, c’est à dire à fixer.”
Les symboles figurant sur le caparaçon du cheval nous offrent également des éléments de réflexion, le Soleil-Feu y étant opposé à la Fontaine-Lune: Soleil:
“Le Soleil des Sages est la partie fixe de la matièredu Grand Oeuvre. Ils appellent encore Soleil le feu inné dans la matière.”
Rayons du Soleil: “Les Philosophes disent, d’après Hermès, que leur eau mercurielle s’extrait des rayons du Soleil au moyen de leur aimant.”
Fontaine de Jouvence: “On doit l’entendre de l’élixir parfait du magistère des Philosophes Hermétiques, parce qu’ils disent que cet élixir est un baume vital, et un remède universel qui conserve en santé.”
“La fontaine est un des symboles alchimiques les plus importants. Mercurielle, elle donne l’”eau permanente” qui est le vif-argent. Végétale, l’”eau-sèche”, substance tirée de l’acacia, du chêne et de la fougère, et indispensable au Magistère. Lunaire et maternelle, elle procure “l’élixir de vie” ou “l’eau de jouvence.”
Les divers autres Saints et Martyrs Sans croire naïvement que chaque fois qu’un saint est représenté avec ses attributs ou qu’une description détaillée des supplices d’un martyr est faite, nous avons affaire avec une phrase symbolique, leur accumulation et leur répétition dépassent ici à Léau la simple anecdote ou un quelconque goût morbide. Prenons ces martyrs que l’on dépouille de leurs vêtements avant le supplice, comme le précise la “Légende Dorée”: était-il nécessaire de représenter ce préléminaire dans un coin du tableau ? Dom Pernety toujours (op. cit. p 100):
“Dénudation Philosophique”: “Les Chymistes Hermétiques ont employé ce terme, pour dire la purification de leur matière; c’est dans ce sens qu’ils ont dit: “oh ! qu’heureux est celui qui a pu voir la Diane toute nue”; c’est à dire leur matière purifiée de toutes hétérogénéités: ou leur matière dans le règne de la Lune, c’est à dire, au parfait blanc.”
Quant aux saints et martyrs ayant pour attribut une flèche, Dom Pernety ajoute (op. cit. p 140): “Flèches”: “Nicolas Flamel dans les explications de ses Figures hiéroglyphiques nous dit que les flèches ne sont pas autre chose que le feu des Philosophes.”
“Couper, ciseaux, l’épée, la lance sont le feu philosophique” “Couper, avec des ciseaux ou tout autre instrument, signifie cuire, digérer la matière sans ouvrir ni remuer le vase.”(op. cit. p 91)
Nous arrêterons ici ces citations qui n’ont pas d’autre but que de démontrer que la symbolique alchimique n’a pas manqué de puiser dans les fables de l’antiquité et dans les légendes chrétiennes pour construire ses emblèmes et allégories.
CONCLUSION
S’il est certain qu’il existe plusieurs niveaux de lecture, il y a toutefois un objectif qui est commun à tous les niveaux, c’est le rôle d’aide à notre évolution de ce livre mystérieux. Et entendons-nous bien, l’évolution n’a rien à voir avec une approche intellectuelle des choses. Evoluer, c’est assumer le mieux possible notre “ici et maintenant” et, après être descendu en nous-même, réaliser en nous une conversion, c’est-à-dire une transformation réelle. Nous sommes tous des pèlerins qui accomplissons notre pèlerinage terrestre en vue d’évoluer et de retrouver le plan divin dont nous sommes issus. Si nous sommes içi-bas (synonyme de: en ce bas monde, en Egypte, à Babylone), c’est pour nous perfectionner et ensuite quitter notre captivité, rejoindre la Terre Promise et monter jusqu’à la Jérusalem céleste. Avant cela, il nous faut vivre la Pâque, et participer au mystère de la Rédemption; il nous faut transformer notre pierre pour qu’elle devienne la Pierre Philosophale; nous devons transformer notre plomb en or pur et devenir Christ. Pour cela chacun choisit sa voie: il n’est dit nulle part que l’Alchimiste aura une meilleure place au Royaume que l’Initié ou que le Martyr, ni même que le petit enfant; au contraire, serait-on tenté de dire. Ce qui compte c’est de “réaliser”, c’est-à-dire rendre réelle, cette transformation qui nous permettra de réintégrer le plan divin, notre vraie patrie. Puissent des livres d’images comme l’église Saint Léonard de Léau nous y aider.
Claude Van Gallebaert
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