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À B O U T D E S O U F F L E .
En pneumologie moyen séjour, ce qui d’emblée saute aux yeux ce sont ces corps branchés aux machines d’oxygène par des tuyaux, qui figurent tant de cordons ombilicaux nécessaires à la survie, qui m’ont suggéré cette idée d’ombilic du respire que je développerai au sujet de ce patient, que j’appelle ici Christophe, après avoir relaté l’histoire de nos Le patient m’est annoncé par la parole du Directeur du Pôle, comme un « poète qui nous revient à chaque saison et qui a écrit un poème à ses poumons ! De quoi écrire une thèse, ma chère dame !». Pendant le staff, auquel j’assiste de manière hebdomadaire, se déroule l’explication de son dossier médical : « emphysème respiratoire et une BP avec syndrome d’hyperventilation sévère certainement déclenché par état anxieux liée à son trouble bipolaire, et de là une impossibilité d’expirer totalement l’air, ce qui provoque trop suivent une alcalose respiratoire ». Tout ceci pointé d’humour : « il est donc indébranchable ! », Christophe, 60 ans, se tient assis en face de moi, parlant d’une voix de fausset, recouverte d’un enrouement, certainement dû à son emphysème, mais surtout au traitement aux corticoïdes; son timbre aigu, voilé par le problème respiratoire, descend dans les tonalités graves, comme pour adopter un second rôle. Dès que le patient plonge dans les graves, il affiche une pose de penseur viril ou replié, il enfonce son menton dans le cou comme pour aider à sortir sa deuxième voix ; puis, d’un coup il revient à la voix de fausset avec un sourire et s’exclame : « Ici c’est mon oasis ! Je suis arrivé ici, la première fois, en 1994 avec un gros problème pulmonaire, je ne pouvais même pas marcher». Le flux de son discours est souvent interrompu par des grattages de gorge qui caractérisent les préludes de crachats : « a été pour moi le meilleur hôpital et pour les poumons et pour la psychiatrie, son théâta remplacé les médicaments ». Sa parole est rythmée par une respiration haletante et parfois laborieuse, qui semble se retenir dans une cage thoracique tendue : il est branché à une machine d’oxygène portable par un tuyau apposé sur les deux narines : « donnez-moi, ma 1 Broncho-pneumopathie chronique obstructive.
2 B. ici c’est le nom de cet important Centre Médical situé dans la banlieue sud-parisienne. 3 Il s’agit du théâtre du centre hospitalier au cœur du parc.
chère dame, que du maniaque! Si vous connaissez la formule ». Il termine ce mot d’esprit, Enfant né au milieu d’une fratrie de trois, nés d’un « mariage malheureux », il affirme l’air sérieux : « on y a tous laissé des plumes ! Citalopram, vous voyez, Tégretol, mon frère lithium, ma sœur aussi». Sa mère est morte à 53 ans, en 1982, (Christophe en avait trente) : « dans des circonstances louches on n’a jamais su. Elle est enterrée à trois kilomètres d’ici.» Un moment de silence s’ensuit puis, en reprenant un air sérieux : « Elle était dépressive. » Les yeux enflés d’émotion et d’une voix de fausset : « Elle est morte à Ville Bouzin. La deuxième épouse de mon père aussi y a fait des stages ! Ma mère est morte au pied de son lit, on a jamais su pourquoi, son visage était très marqué … C’était deux jours après son entrée à l’hôpital ». Il marque une pause, puis il ajoute : « La seconde aussi est morte, ailleurs, pas à Ville Bouzin , mais elle y a laissé des plumes aussi ».
Je garde le silence et il continue avec un enrouement : « Mon père…», qu’il définira de « père démon brillant » plus tard, « fils de paysans bretons devenu officier de marine et ingénieur… », dit-il en un seul souffle, (et il répétera ce refrain à chaque fois qu’il parle de lui) « …a été un tyran avec sa famille ! ». En revanche, c’est un excellent grand-père : « il a maintenant 89 ans, avec ma fille il accepte tout, tout ce qu’il n’aurait pas accepté avec nous. C’est du bonheur pour moi d’avoir mon père encore». Toujours enroué : «Mon père… quand je l’entendais arriver c’était la fin, la fin de ma vie, je me sentais opprimé, terrorisé : qu’est ce qu’il va encore me dire, me faire? J’en étais parfois à lui souhaiter la mort, je me souviens quand il crachait, mon père a fumé jusqu’à l’âge de 72, vous vous rendez compte ? Il est en plein forme, là! Je détestais sa présence, quand l’entendais tousser, j’imaginais, je priais pour qu’il meure». Christophe donne la description d’un cataclysme familial où émerge un seul rescapé, son père. Son grand-père maternel, lui aussi, il est mort, d’un probable suicide : « c’est tout de même bizarre, il était à vélo il est passé sous un train, on n’a jamais dit suicide Deux attitudes corporelles marquent le discours quand Christophe parle de son père ; lorsqu’il en parle au présent ses yeux brillent, la voix semble s’alléger de ses enrouements et lorsqu’il en parle au passé, pour des événements de l’enfance, son visage s’assombrit accompagné d’une voix qui s’efforce d’être mâle et tente de plonger dans le bas du corps. De son enfance, il évoquera un cauchemar qui revenait régulièrement : « Je devenais tout petit dans ma chambre qui devenait immense et ça me faisait une trouille dingue, je me réveillais en sueur ! ». Plus tard il le qualifiera de cauchemar éveillé : « c’était avant de m’endormir… encore plus tard en y pensant je m disais que j’étais résistant…. à m’endormir (éclat de rire), résistant comme les hommes de ma famille ! J’ai grandi dans ces récits d’épopée des maquis . D’ailleurs, j’étais le seul à m’opposer à lui, à ce…, à cet homme qui était un
monstre ! Mon oncle a été fusillé dans un maquis breton à l’âge de 19 ans pendant la 2ème
guerre mondiale. Mon père a été condamné à mort par contumace par le Régime de Pétain. C’était un marin, fils de paysans breton, devenu officier, puis ingénieur de la marine, et il faisait partie de ces marins qui ne se sont pas soumis et qui ont continué… Ma [fam] mère écrivait des petites pièces de théâtre sur ce que les allemands faisaient ».
Ces hommes qu’il décrit comme des héros, puis cette mère qui vient tout en dernier, on dirait qu’elle semble cachée précieusement dans son discours. Et surtout, le théâtre semble les lier. Par ailleurs, sa voix de fausset, ne témoignerait-elle pas de son identification et de son attachement à la mère? Ce lapsus mère/femme se répétera à chaque fois pour confondre les Marié, Christophe vit en couple : « j’ai deux enfants, mais le premier est celui de sa femme que j’ai reconnu quand il avait trois ans ». Il ne s’est pas rendu compte du lapsus. Il appelle sa fille unique : « ma petite poupée de vingt quatre ans ! ». Quant au premier, âgé de trente-deux ans, qu’il dit avoir élevé comme son propre enfant, c’est un dur, « il fait son caïd! Il emmène ses enfants me voir ici en pneumo, alors, vous vous rendez compte? Ils n’ont rien à faire ici ! En plus il sait très bien que je ne suis pas d’accord. Ma mère, ma femme, et son fils Il y a donc dans sa vie deux hommes face auxquels Christophe se plierait : son père, ce père « qu’était un monstre » et son fils adoptif, « le dur, le caïd » ? Lorsque j’essaie de comprendre ce qui se passe avant ses hospitalisations répétées, Christophe répond : « Pas grand chose ». Au fur et à mesure de nos rencontres, il parle de ses disputes conjugales fréquentes. Son épouse qu’il qualifie au début de « femme de grandes qualités », finit par correspondre de plus en plus, dans les propos qu’il tient, à un dragon ménager, dirigiste, exigeant, qui « reproche pendant des semaines le mêmes broutilles » et qui l’étouffe. « Elle m’emmerde avec son intendance, il faut que tout soit en ordre, elle n’a de cesse de me répéter que je suis maniaco-dépressif, mais bon je la comprends, elle doit avoir des contrariétés à son boulot ! ». Il finit par prendre un air compréhensif accompagné d’une voix grave, en précisant que ses crises maniaques ont été très dures à vivre pour elle.
Les conflits à la maison, sont la plupart du temps provoqués par ses sorties « trop fréquentes selon elle, c’est sans doute vrai, mais pour moi c’était rien vous voyez, je m’assieds sur un banc, on bavarde… quand il pleut c’est sur un banc d’une grande surface à l’abri, alors bon ce sont des gens un peu fatigués, un peu âgés, qui viennent s’asseoir à côté de vous et puis voilà une amitié commence. Avec eux, je suis sûr de ne pas avoir de problèmes relationnels. Et là elle dit : ça sent le vieux ici ! Elle a raison certes, depuis que j’ai arrêté le théâtre, je vois des amis de plus en plus âgés, il y en a même qui meurent autour de moi… tenez, là vous voyez ce gros livre c’est un ami de 74 ans qui me l’a offert , c’est un livre sur la Le portrait de son épouse semble revêtir celui du père, qui était sans arrêt « derrière » lui « à contrôler ses devoirs ». Je l’invite à parler de sa maladie : « La maladie? C’est une chance pour moi!». Face à mon air surpris, il s’exclame : « Ben, je n’aurais jamais connu B.! C’est ma famille ici, c’est mes amis, je les respecte, ils me respectent. Je suis revenu pour mon anniversaire, il y a deux ans, je l’ai fêté ici et c’est encore à mon anniversaire un an plus tard qu’il m’ont refusé la greffe. Là c’était une déception !».
Beaucoup d’éléments de son anamnèse viennent commémorer ses retours répétés au Centre Médical : la proximité du cimetière où sa mère est enterrée, sa fuite des conflits conjugaux, et le théâtre qui est ouvert aux malades, pour la programmation des spectacles (tous les quinze jours) mais aussi pour l’activité qu’elle propose aux patients qui souhaitent en faire un loisir pendant l’hospitalisation. Tout cela, forme en effet un espace idéal, hors du monde, et hors des conflits. Dernier élément qui entre en liaison avec cette étrange forme d’hospitalisme : la machine à oxygène qu’il retrouve pour s’y brancher, au fil des saisons. Objet qui, ajouté aux soins, serait susceptible de combler un manque d’autre chose, mais aussi qui semble l’agir pour le reconduire là, se constituant ainsi comme unique objet de désir au Le seul problème « ici à B. c’est les autres patients, quand ils me font remarquer que je respire mal » et là Christophe imite la parole des autres de manière exagérée, révélant sa personnalité histrionique : « Oh là là, ce que tu respires mal, oh mais tu respires vraiment mal, mon Dieu ! Ils pensent qu’à la souffrance, ils sont négatifs, c’est plus fort qu’eux, ils vous tirent vers le bas, c’est ça voyez ? On ne peut pas les changer !».
Christophe prend un traitement pour psychose maniaco-dépressive depuis l’âge de vingt-deux ans : « ma première crise, mélancolique remonte à mon adolescence, les autres crises c’était dur aussi, ça devenait fou, je sortais pour une baguette et je rentrais avec une bagnole ! Oh la vache ! » Il rit, puis il s’assombrit : « ç’a été dur quand même, je me suis
endetté, mais surtout, de voir qu’au boulot on ne me donnait plus aucune responsabilité, alors là !». Après le refrain, qui introduit les faits et gestes de son père « fils de paysans bretons… » Christophe en a un autre : « ç’a été dur quand même !», qui l’aiderait presque à se déculpabiliser. Cela m’incite à reprendre «et pour vous, est-ce que c’a été dur ? ».
Christophe a fait trois tentatives de suicide, la première il était « jeune » (la date n’est pas précisée), la deuxième en 1992, la dernière remonte à il y a deux ans accompagnée d’une lettre à sa fille : « ç’a dû être très dur pour elle ! Quand elle était petite, j’étais pas très proche d’elle, pas très présent quoi… puis quand elle a eu douze ans là, ça devenait intéressant…vous êtes mère vous non ? J’aime tous les pores de son corps. Vous devez aussi aimer votre enfant comme je l’aime ! Elle m’a dit de ne plus jamais faire ça et moi je ne le ferais sans doute plus. Vous savez c’est un bien de ne pas bosser ! Vous un peu planqué quoi ! Quand je travaillais et que je me trouvais là tout d’un coup à ne plus trouver rien, moi je m’intéressais à tout et d’un coup, tout ça disparaissait ! Je n’ai plus fait d’épisode maniaque depuis au moins dix sept ans, depuis 1994 ». Cette date correspond à sa première hospitalisation au Centre Médical B. « Avec les médicaments je me suis stabilisé, mais je m’ennuie, il faut s’y faire, ça peut durer un mois, trois mois, dès fois ça me paraît interminable ».
Les trois tentatives de suicide le rapprochent du drame maternel. En relisant les notes, certaines dates manquent pour savoir quel l’âge avait-il quand sa mère a tenté de mettre fin à ses jours la première fois. Christophe était, en tout cas, déjà né. Les anniversaires commémorent la naissance d’un être et d’autres événements; commémoration de vie ou commémoration de mort? Dans ce tableau, des dates manquent ou restent à préciser pour que je puisse affirmer le nombre de collusion de mort ou tentative de suicide dans son organisation familiale, qui croiseraient les événements clé de sa vie. Christophe semble porter tout le poids de sa pathologie psychique en lien avec sa fille : « ma femme ne l’a jamais aimée, à cause peut-être de ma maladie, elle en a eu peur , qui sait ?». La manière que son épouse avait d’être mère avec leur unique fille a été vécue par lui comme une violence : « C’est ce qui m’a fait le plus dérouiller! », dit-il avec les yeux enflés et se retenant presque de pleurer : «Je ne pensais pas qu’une mère pouvait en arriver là ! Se vengeait-elle de moi ? Elle me le rappelait toujours qu’elle ne me trouvait pas tendre avec son fils alors peut-être c’était une revanche ? ». Un jour, elle a dit un truc comme pour dire que les premiers jours elle se retenait de la détester (…).Elle lui disait : tu es athée et ben tu n’auras pas de Noël. Ou bien elle méprisait ce qu’elle lui offrait pour la fête des mères (…) J’avais mal au cœur d’entendre ma fille réclamer à l’heure du coucher un mot gentil, un câlin. Rien, jamais rien! Toujours dans cette relation de vexation. Je partais au travail avec un nœud énorme dans la poitrine…je pensais à ma petite poupée, bon c’est la vie ! Leur relation m’a toujours fait souffrir, j’en suis sûr que ça a aggravé mon problème de respiration. Aujourd’hui ma fille me dit : mais non t’inquiète pas, je la connais, je m’en fous ». Quand il parle de sa poupée, ses yeux brillent de tous feux. L’hostilité dans le couple met au centre, pour chacun, son propre enfant. Christophe déverse son amour « maternant » sur l’objet métonymique de l’inceste, sa fille. Elle est vécue dans ces transactions conflictuelles comme métonymie de la mère, et donc comme une rivale pour l’épouse. L’ambivalence réside dans le fait que Christophe accable le portrait de son épouse avec laquelle il entre presque en concurrence . Mais : « ma fille me reproche de l’avoir trop couvée, elle a vingt-quatre ans elle me dit qu’elle manque de confiance en elle-même! Elle dit que j’ai fait avec elle le contraire de ce que mon père a fait avec moi ». Puis il sourit et ajoute : « oh ben, elle manque de rien à la maison, un jour il faudra qu’elle parte qu’elle se marie ! Tenez, ici, il y a un jeune interne que je trouve formidable ! Il n’est pas mal du tout, il doit être métisse, ça pourrait faire un joli couple, mais bon c’est pas mes affaire je sais bien !. Elle cherche un stage alors elle pourrait le faire ici». C’est donc Christophe qui choisit le mari, idéalement situé près de sa chambre d’hôpital : l’oasis, le mari métisse et sa poupée formeraient presque un tableau de complétude. Dans un échange clinique avec la psychiatre qui l’avait suivi pendant un séjour à l’hôpital il y a quelques temps, celle-ci me fait part de l’énorme place que sa fille prenait dans son discours avec qui le père avait un compte joint, malgré son âge adulte, alors qu’avec son épouse il n’en avait pas, et même il y avait beaucoup de conflits autour de l’argent. La famille ne semble pas s’être créée avec des étages générationnels symboliquement bien établis. L’ayant invité à me parler d’éventuels problèmes liés à la respiration pendant son enfance, Christophe évoque qu’il pratiquait le football, son père y tenait beaucoup : « Je me souviens qu’on avait déjà remarqué que j’avais la respiration limitée, j’étais gardien de but pour ça justement! Mais je faisais très bien mon rôle, sauf quand mon père venait me voir jouer, alors là je faisais moins bien C’était comme quand il était derrière moi pour contrôler mes devoirs. Il m’oppressait (…)vous savez c’est tout de même pas drôle de pleurer et vomir le dimanche matin quand je vous savez que votre père vient au match».
Je lui demande, alors, si son père avait été mis au courant de son problème respiratoire, et d’une voix grave et théâtralement : «Mon père vous savez, il m’aurait dit c’est quoi cette connerie ! On est pas des lopettes ! Qui sait ? Il m’aurait peut-être même retiré du foot. Il aurait été déçu, qui sait ? Vous savez à l’époque on n’allait pas se mettre à genou devant une histoire de respiration, il était officier de marine, fils de paysans bretons! (…)» Là aussi, Christophe a pris une voix grave, qui l’aide a tenir sur scène un rôle masculin. Il reprend ensuite avec une voix plus allégée : « Une fois, j’ai demandé à ma mère comment elle faisait pour rester avec un homme comme mon père? Eh ben, elle m’avait répondu qu’elle s’y était faite quoi, et puis qu’il le fallait bien pour nous. Elle ne travaillait pas. Ma mère était une mère, avec le grand M. Totalement dévouée ! Elle était sans doute La reconnaissance du père dans sa dimension symbolique, ne peut se faire que par la mère, par ce que sa parole l’investit du statut de phallus rival de l’enfant. C’est le discours de la mère qui permet à l’enfant de se projeter vers un ailleurs qui le détache de l’enjeu du désir Je l’ai ensuite invité à parler des souvenirs de cette période sportive, et là Christophe dit d’une voix éraillé : « Oh, ben, pas grand’chose, à part que oui, vous savez, je n’arrivais
pas à cracher comme mes copains de foot ! Pas moi, je n’y arrivais pas, eux oui et pas moi?
Quand même ! » Il explique longuement comment « ils étaient capables d’envoyer leurs crachats à des distances incroyables » avec des gestes de la main mimant les longs jets. « Ça vous étonnait ?», demandé-je comme pour confirmer son étonnement face aux exploits qu’il décrit avec un air d’étonnement. « Oh la vache… oui , j’étais ébahi ! Mais comment ils font, je n’en revenais pas ! Et ici c’est des crachats, qu’ils veulent et je n’y arrive pas non plus. C’est avec beaucoup de peine (dit-il avec un grand sourire) que je crache un peu, un rien du tout C’est drôle, je ne les enviais pas, j’essayais pourtant de les imiter, mais bon…rien à faire».
Surprise par cette entrée dans l’envie, alors qu’il était question d’étonnement, j’ajoute : « Vous semblez dire envieux et étonné à la fois?».
Il reprend avec un ton et un mime exagéré : «Ah, non, pas l’ombre d’une jalousie. Je me sentais bête, quoi. Certes, je les enviais mais alors avec un tout petit « e », une petite envie de rien du tout. Quand j’essayais de les imiter, je postillonnais de manière ridicule. Alors qu’eux, ils lançaient des gros crachats !», il rie bruyamment, en raclant sa gorge. Encore une fois il avait ajouté un élément nouveau dans le dialogue : la jalousie. Tout 4 Dans le dossier médical du patient, il est mentionné, que malgré la forte dose de médicaments, l’expectoration reste faible voir nulle. cela par dénégation. Puis il reste pensif, comme s’il avait été surpris par cette association qu’il venait, lui-même, de proposer entre envie, crachat, et jalousie. Les postillons ridicules, l’amoindrissaient-ils vraiment? Le geste qui évoque le crachat, renvoie aussi à la courbe que dessine le jet de l’urine, à savoir donc, tous ces jeux de territoire et de concurrence masculine, qui semblent s’exprimer là, en effet, sans jalousie. Ce n’est donc pas la jalousie, opérateur de l’Œdipe, qui l’emporte dans cette vignette, mais l’envie qui la précède, et qui reste à peine dicible chez Christophe. La jalousie est là mais désaffectée, drôlement enfouie. Comment pourrait-il, en effet, rager contre son père ? Ce dialogue se lie à un autre où Christophe reconnaît avoir un père extraordinaire, que le père de son enfance est un mauvais souvenir, même « un cauchemar », mais qu’aujourd’hui, ce n’est pas la peine de revenir là dessus : « Il ne nous a rien fait manquer matériellement, il nous a tous éduqués, lui fils de paysan breton devenu ingénieur et officier de marine . Il n’avait pas de double vie, il n’était pas alcoolique, sinon on aurait pris des coups ! Mais ses coups étaient violents, il n’était jamais content, c’était humiliant, il nous faisait sans arrêt des remarques, même devant d’autres gens(.) Vous savez, ça complexe beaucoup. Je vous assure je détestais sa présence.
Comment pourrait-il rager contre un père « fils de paysans bretons devenu officier de la Marine et ingénieur» ? Du refrain se dégage un trait obsessionnel, et cette position de repli face au père, qui semble indépassable. Avec fierté, il dira : « Tous les jours mon père saluait ses ouvriers avant de commencer la journée, il était au boulot avant tout le monde ». Ce propos que je relie à ce qu’il dira une autre fois que c’était « honteux » pour lui de s’arrêter de travailler du fait de sa psychose. Ce propos reste contradictoire avec celui du « bonheur d’être planqué » à l’hôpital. Peut-on imaginer, donc, que le complexe de castration chez Christian n’est pas résolu du fait de ce père indépassable ? L’opposition générationnelle est présente au tableau; mais elle n’a pas été féconde du fait d’une relation faite d’humiliation, de contrôle permanent. Dans les rapports de ce fils à son père, la condition dialectique (…) de type paternaliste, se rompt par quelque excès de la domination paternelle (…) Le moi fléchit mais il ne recevra en outre le faix d’un surmoi excessifIl y aurait là comme un homme pas soumis à la castration, possédant toutes les Aussi, le plaisir avec lequel il raconte ses souvenirs de football, nous laisse entrevoir une homo-érotisation qui renvoie à l’enfance ou à l’adolescence, et donc à la difficulté de dépasser ce stade. Le trait obsessionnel, me fait remarquer la psychiatre, se retrouve souvent dans la clinique des personnes souffrant de psychose maniaco-dépressive. L’ambivalence de ce tableau clinique pourrait résider dans cette dépolarisation entre deux identifications. Christophe raconte comment sa fille a été dégoûtée un jour d’entendre le couple parental pendant une relation sexuelle ; il en parle avec gêne : «Je voulais l’engueuler pour un truc et là elle me fait, alors si j’étais toi je me tairais. Et me raconte qu’elle nous avait entendus. Ç’a a dû être dur pour elle, pauv’ gosse, va! C’est dégoûtant tout de même pour quelqu’un d’innocent, je m’en suis voulu, croyez-moi. J’ai jamais pu imaginer mes parents, oh là là c’est impossible ! » La manière d’en parler petit à petit prend presque une tournure infantile et encore une fois théâtrale.
Christophe ici semble souligner « l’innocence » de l’enfance : la violence du rapport sexuel équivaudrai à la violence de cette altérité insoutenable. L’amour, qui au départ est narcissique, occulte cette altérité qui réside dans la différence des sexes. C’est le tiers terme qui peut l’introduire : le phallus, qui a pour fonction de désigner pour le sujet la dimension du On trouve ici l'action traumatique que peut être la perception d’une scène, celle des rapports sexuels des parents. Qu’est ce que son inconscient projette sur l’essoufflement de cette scène primitive racontée à travers le dégoût supposé de sa fille? Alors que celle-ci semble s’en saisir uniquement pour rabaisser une action d’autorité venant de son père ? L’halètement, propre au coït, ne trouverait-il pas une figuration corporelle dan son halètement pathologique? Cet halètement traduirait plutôt une jouissance à laquelle Christophe n’aura jamais accès. Il ne peut ourdir aucun complot contre ce père indépassable, qui incarne l’essence même de la jouissance. L’essoufflement de Christophe ne serait–il pas à relier à cet 5 Lacan J.(1938), La névrose d’autopunition, Les complexes familiaux, op.cit.
6 Freud S. (1913), Totem et Tabou, Petite Bibliothèque Payot, 2001.
halètement de la scène primitive auquel il s’identifie mais qu’il sent ne pas pouvoir soutenir ? Ce serait alors un souffle hors castration qui exige une coupure, peut-être, de la machine à Christophe parle de sa transpiration abondante quand il va mal, des odeurs « insupportables » qu’elle dégage, de sa «sudation fétide ». Je lui demande plus de détails à ce sujet et il explique que c’est une odeur qu’il a du mal à définir, puis il ajoute : « c’est comme une odeur de cadavre, c’est insupportable». Je lui demande si sa femme ou d’autres personnes s’en plaignent, ce à quoi il répond : « Non jamais ! Mais personne n’a jamais compris ce que je veux dire, et personne ne l’a jamais pris au sérieux. Vous êtes la première à me poser des Est-ce un représentant olfactif de la scène primitive qui serait en vue dans ces propos ? En ce cas le lien souffle et traumatisme de la scène des origines se tisserait-il ? Représentant d’un événement pathogène qui révèle une faille dans l’organisation psychique et qui montrerait par là-même une « fixation à un stade archaïque de la libido. » ? L’évènement vécu de la scène primitive n’aurait-il pas engagé une « régression vers un stade archaïque où la figuration du cadavre traduirait celle de l’objet perdu à jamais. Quand il va mal, quelque chose à l’intérieur de lui sort par les pores et pue terriblement. À qui appartient donc ce cadavre incorporé qui respire à travers la peau ? La perspiration est la respiration cutanée, qui advient par la myriade d’orifices cutanés que sont les pores, d’où le sébum s’écoule, et les échanges extérieur/intérieur se réalisent ? La sudation fétide revient témoigner des fantasmes refoulés qui lui sont insupportables. Mais aussi dedans-dehors se voient ici repris sur la scène qui est celle de la séparation entre le dedans maternel et le dehors de la sexuation. Pouvons-nous voir là une image olfactive de la mère morte, en tant qu’objet perdu, auquel il s’est identifié, et qui surgit lorsqu’il va mal ? Ou bien la sueur puante pourrait-elle être la réponse à un épisode de souffrance, comme celle d’être exclus de la scène primitive ? Le dégoût pour sa sueur ne remplacerait-il pas l’excitation provoquée par les fantasmes incestueux, si l’on revient à son assertion à propos de sa 7Ey H.(1948-1954), Les états maniaco-dépressifs, in Études Psychiatriques, , CREHEY, nouvelle édition 2006, p.147.
fille : « j’aime tous les pores de son corps »? Et où il serait question d’incarner l’identification Un lien pourrait donc apparaître entre respiration et orgasme, parallèlement à une bipolarité identificatoire, ainsi qu’une différenciation entre la peau et l’oralité. Objet et identification jouent entre le souffle retenu qui et la perspiration abondante de la peau. Les crachats du père et ceux des copains footballeurs, le mettent hors jeu concurrentiel. Le stade oral semble être ici particulièrement interpellé. Si l’on reprend le tableau de K.Abraha cela confirme en effet une non résolution complète du stade oral ; c’est comme si dans les deux paliers de ce stade, il n’y aurait qu’un seul qui aurait été résolu, le stade oral primaire, celui de l’allaitement(qui ne manque pas de nous renvoyer ici à son halètement), nous donnant ainsi l’indication d’une fixation au stade oral tardif, du cannibalisme, celui de l’agressivité, qui se réfère au groupe maniaque dépressif, qui demeure irrésolu . Christophe voudrait se débarrasser du cadavre qui est en lui pour triompher du deuil, être libre comme l’air, mais son quartier libre est l’hôpital, où il peut fuir ses attaches familiales. Au banquet primitif, Christophe a choisi une répétition de l’hospitalisation, qui prend l’allure d’un hospitalisme adulte inversé, puisque c’est lui qui, par sa maladie, lâche tout, pour se retirer du monde, dans son oasis. L’angoisse d’affronter le monde dans l’altérité qu’il comporte. C’est d’un sevrage dont il s’agit qui a du mal à se réaliser. Originellement, le stade olfactif respiratoire débute à la minute même de la naissance, coïncidant avec le premier sevrage dont parle Lacan « celui qui, à la naissance, sépare l’enfant de la matrice, séparation prématurée d’où provient un malaise que nul sein maternel ne peut compenser. Cet « hospitalisme adulte », le plongerait donc dans une reviviscence du Sein, auquel il était branché et grâce auquel il ne tombera pas de très haut, dans les grands envols de sa folie « L’angoisse, dont le prototype apparaît dans l’asphyxie de la naissance, le froid, lié à la nudité du tégument, et le malaise labyrinthique auquel répond la satisfaction du bercement, 8 Abraham K., Versuch Einer Entwicklungsgechichte der Libido, in Lacan J.(1932), De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, Éditions du Seuil, Paris, 1975, p.258.
organisent par leur triade le ton pénible de la vie organique qui, pour les meilleurs observateurs, domine les six premiers mois de l’homme. Ces malaises primordiaux ont tous la même cause : une insuffisante adaptation à la rupture des conditions d’ambiance et de nutrition qui font l’équilibre parasitaire de la vie intra-utérine. Christophe n’est donc pas à la hauteur de ce grand air qu’il peut conquérir, l’angoisse peut-être prend le dessus et emballe son souffle. Est-ce l’effet des psychotropes qui le ramène à cette réalité morne et angoissante par moment, mais vivable pour lui et les autres ? L’angoisse au moins lui évite le danger de rendre son souffle et d’expirer vraiment! Le magma puant, qu’il décrit comme figurant la décomposition de son propre corps, viendrait à la place du parricide raté, et se lierait à l’asphyxie de son cauchemar. C’est lorsque la jouissance maniaque disparaît que son corps se décompose et donne sa réponse mélancolique. L’angoisse viendrait en réponse aux grands envols de cette folie idéale, folie du grand air dont Christophe n’est plus à la hauteur. Sa bouffée d’air est enfermée dans une machine. Les psychotropes accompagnent la monotonie de son problème respiratoire. Ses retours incessants à l’hôpital témoignent de cet état de régression mis en place pour rééquilibrer un manque insupportable. Mais ce n’est pas le manque de l’Autre imaginaire, c’est le manque d’investissement d’objet qui lui est insoutenable.
Christophe est resté en pneumologie moyen séjour un mois et demi. Après un mois, il est revenu mais en court séjour. Je lui ai demandé ce qu’il s’était passé : « Pas grand’chose », m’a-t-il répondu. « Vous savez c’est ma femme qui s’inquiète dès que je respire un peu mal, ma fille aussi (…). Mais rien de particulier, vous savez, mon épouse est partie en vacances une semaine, alors ma fille et moi nous avons prévu de se faire des petites sorties au restaurant, au cinéma, ah ban tenez, nous avons fêté l’anniversaire de mon père, il vient d’avoir 89 ans. C’est formidable d’avoir un père de cet âge-là! Puis bon, ça a recommencé, j’ai dû un peu abuser, mais ça doit pas être bien grave, mais c’est elle qui s’inquiète». À chaque menace d’envol Christophe s’essouffle, un petit abus suffit et, à chaque 9Lacan J.(1938), L’imago du sein maternel, in Complexe familiaux, op cit.
essoufflement, son entourage l’envoie directement se brancher à la machine. Malaise qui viendrait à la place d’une plainte, celle peut-être de ne pas pouvoir être dans le monde.
La dyspnée, soif d’air, a un effet de forte contagion qui peut éveiller des fantasmes de mort aussi chez les proches du patient. Mais peut-on imaginer que c’est à chaque moment de conflits conjugaux, que Christophe s’essouffle, se faisant ainsi renvoyer directement à la machine d’oxygène? Résistant au sommeil mais pas résistant aux combats, comme il l’avait affirmé, en parlant de la Résistance de son père et son oncle dans les maquis bretons.
Sachant que la plupart des gens en court séjour restent rarement plus d’une semaine, je lui demande : « Vous sortez donc à la fin de la semaine ?». Sa réponse frôlait encore le ton caricatural : « ah non, parlez pas de malheur, je sors demain». C’était notre dernier entretien mais je sais qu’il est encore revenu au Centre. C’est en annonçant au pneumologue que je l’avais revu, que celui-ci me dit « …c’est vraiment du La conversion hystérique aurait-elle théâtralisé et résorbé la crise mélancolique? La localisation de l’organe poumon et la mise en acte répétée de son essoufflement lui permet de pratiquer l’angoisse de castration matérielleme en tenant justement à sa disposition un délégué concret, la machine à oxygène, à chaque fois qu’il faudra s’y conforter. La manie libère et capture plus que jamais dans la fascination de la puissance paternelle puisque fondant cette jouissance orale sur cette jouissance originaireMais ici le moi-dilaté s’auto condamne, marquant ainsi le retour de l’ombre de l’objet. Le sujet, après s’être rempli à ras-bord, faisant bombance de ses poumons (et non pas de son ventre) s’éprouve plus que jamais , comme vidéstophe ne peut ni expirer l’air, ni cracher.
Jean-Louis Tristani se demande si les psychoses ne s’enracineraient pas cliniquement dans une perturbation de la relation phonique respiratoire de l’infans à ses parents et rapporte 10 Assoun P.-L., Corps et Symptôme, Antropos/Economica, Paris, 2004, p 127.
11 Ibid., p 71.
12 Ibid., page 75.
une citation d’une patiente de Roustang : « Je prends le minimum d’air pour ne pas en prendre à mes parents, il faut que j’étouffe pour leur permettre de respirer Prendre la voix et le souffle de l’une ou de l’autre ? Christophe court d’un pole à l’autre, comme un sujet sans consistance propre, en voltigeant et perdant son souffle. Cette oscillation résulte de la relation imaginaire primitive à la mère, processus naturel puisque « le moi de l’enfant repose sur la toute puissance de la mère La nostalgie des moments maniaques, signale cette propriété structurale (ou transtructurale) de fond qu’est sa mélancolie. Il voudrait incorporer et pouvoir transformer ce père en victime, l’absorber, pouvoir fêter avec ses copains la consommation orale de la dépouille paternelle. Mais il est rattrapé par la mère, qui l’empêche de s’envoler et le protège en même temps de chuter de très haut. La manie se retire, puisque la propriété mélancolique s’apaise et la dépression pointe, laissant la place à une conversion visible dans son corps et audible dans sa voix, qui ne sait plus ce qu’est une femme, ce qu’est un homme! L ’ o m b i l i c d u r e s p i r
Les yeux parfois exorbités, par l’effort laborieux que leur respiration pathologique impose, les patients en pneumologie, accompagnés de ces mouvements de bouches étranges, d’aspiration haletante et d’expiration imposées, figurant l’orifice d’un ballon à dégonfler lentement, ne sont pas loin de représenter quelque chose du vampire. Figure de mort-vivant qui surgit sur la scène corporelle, où se rendent figurables les effets pathologiques de la jouissance de l’état larvaire. Ces patients restent–ils tributaires de l’air maternel ? Figurants sur une scène où se rejoue la rupture de l’enveloppe placentaire, aliénés à des tuyaux d’air toujours présents, ils nous rappelle ce lien d’ombilic à ombilic. L’emprisonnement de l’air est le symptôme clé de l’asthme, définie comme une hystérie de bas Dolto avait décrit dans la constitution de l’image du corps : « Au stade 13 JL Tristani, Le stade du respire, Les Éditions de minuit, Paris, 1978, p.88.
14 J.Lacan (1956-1957), Le séminaire, Livre IV, La relation d’objet, Éditions du Seuil, Paris, 1994, p.193.
15 Ranty Y., Les somatisations, L’harmattan, Paris, 1994, p.210.
respiratoire – sécurité, ampliation, zones trous, narines turgescentes, oreilles. La masse thoracique et les trous sont ressentis dans un magma non différencié. Le désirable et l’indésirable sont « climatiques » et sonores Ce qui fait prévaloir, dans ce tableau clinique, une régression au complexe de sevrage est cette image de Christophe appendu à la machine : « le sujet reste prisonnier des images du complexe, et soumis tant à leur instance léthale qu’à leur forme narcissique – c’est le cas de la consomption plus ou moins intentionnalisée où, sous le terme de suicide non violent, nous avons marqué le sens de certaines névroses orales La stagnation de l’investissement libidinal et les défenses paradoxales de régression au stade oral du patient est traduite par la sudation fétide, où l’accent hypocondriaque de cette sensation olfactive nous donnerait à voir aussi une incorporation de la mort pour mieux la maîtriser. Mais à force de vouloir maîtriser la castration inévitable, le sujet se meurt dans sa « maladie imaginaire », qui le fait stagner « en un noyau isolé dans la société, (…) aussi stérile pour son commerce qu’inutile à son architecture L’essoufflement de Christophe pourrait, peut-être, remplacer une plainte, qui ferait office de manipulation de l’entourage, empêchant les autres de dire : « Cesse de te plaindre ». Il semblerait, en effet, bien absurde de dire « cesse de t’essouffler », ou « cesse ta crise d’emphysème ! ». Quand il affirme « c’est elle qui s’inquiète », Christophe se décharge de sa culpabilité lâcher le monde et sa famille, sources de conflits. « C’est elle qui s’inquiète » lui permet de ne pas affronter son conflit interne aussi.
Dans la cage thoracique tendue de Christophe, si nous faisons appel à la notion de figurabilité (notion de Darstellung déjà formulée en 1893, in Études sur l’Hystérie) le souffle retenu devient visible. À l’intérieur de son corps, dans la boite organique du souffle, il y a 16 Dolto F.(1961), « Psychanalyse », in rfp, vol.6, 1961, in Harrus-Revidi G., La laryngectomie, un cataclysme de l’oralité. Consulté sur Cairn.info17 Lacan J.(1938), op.cit.
18 Lacan J.(1938) op.cit.
19 S.Freud. Considérations générales sur l’attaque d’hystérie (1909), in Névrose, psychose et perversion. Puf, Paris, 1971. p. 161.
donc des choses à voir! La bombance de son thorax constipé lui donne une position plus érigée, plus masculine en somme. Mais à côté de lui gît cette machine à laquelle il est branché durant des heures. Les poumons de Christophe semblent être donc pris dans ce jeux identificatoire de la sexuation. Identification qui demeure alors à l’état de souffle, et qui passe à travers la voix, mais laquelle ? Celle d’un homme ou celle d’une femme ? Cette voix c’est Le poumon, cet objet du corps concrètement mis à l’extérieur de soi à travers le tuyau qui le relie à la machine, mais aussi comme destinataire d’un poème d’amourne nous révèle-t-il pas une tentative de la perte de l’objet ? Dans ce destinataire poétique auquel il s’adresse ne résiderait-il pas le poumon de l’origine? Cet objet dont il tente de se détacher, porteur de ce souffle qui le rattachait et le séparait de l’Autre ne crée-t-il un rapport de métonymie de sa propre naissance ? L’amplitude du souffle, accordée de façon subtilement ombilicale au rythme de la mère, touche à des structures fondamentales archaïques qui soulèvent des angoisses phobiques d’évitement : « Tant que l’enfant reste dans un lien d’ombilic à ombilic, il ne respire pas , la coupure est nécessaire pour qu’il puisse respirer et vivre ». Et c’est ce que Christophe semble bien vouloir rater.
L’air, élément extérieur, se transforme en souffle dans le mouvement d’expiration : quoi de mieux pour figurer l’angoisse de mort ? Ou la Castration suprême qu’est la mort ? Mais peut-il, aussi, dans notre cas, figurer l’objet interne, emprisonné par un emphysème inexplicable, pour maintenir en vie l’objet perdu à jamais? En quoi le souffle, alors, pourrait- il matérialiser quelque chose de l’objet interne, et le reconfigurer à travers la pathologie ? Premier îlot d’indépendanc le souffle et le cri produit par le nouveau-né, peut-il, à contrario, témoigner de la dépendance extrême qui trouve sa figuration concrète dans cet objet Reste-t-il aliéné au corps de la mère en attente d’une coupure créative, une véritable inspiration artistique pour respirer ? Le théâtre, qui le lie aussi à sa mère, a pu remplacer « les médicaments » pour un temps, mais n’aura pas suffi à faire taire ses sifflements, par un 20 Je n’ai pas lu ce poème qui aurait été offert à une infirmière lors d’un de ses premiers séjours. Les faits et gestes de Christophe circulent en pneumologie et prennent l’allure d’épopée grotesque.
21 Tristani J.-L., op cit.
langage réellement créatif. Il m’avait offert un poème, à propos de son élan poétique, il dira : « il n’était pas extra, je sais…ç’a dû vous faire rire cette histoire de Calabre dans vos yeux(…)», il rie et rosit légèrement embarrassé et conclut : « vous savez sans Solupred, j’suis incapable de vous pondre une seule ligne ! ».
L e s o u f f l e , c e t o b s c u r o b j e t d e l ’ a n g o i s s e .
Bien qu’immatériel, le souffle, est l’indicateur corporel de l’Angoisse. Si la séparation n’est pas un concept freudien, elle apparaît en 1916 dans la conférence d’intro à la psychanalyse consacrée à l’angoisse et où Freud écrit à propos de la naissance : « nous reconnaissons comme riche de corrélations possibles le fait que le premier état d’angoisse soit issu de la séparation d’avec la mère ». L’angoisse de séparation sera introduite dans Inhibition Symptôme et Angoisse, en 1926, liée à l’état de détresse de l’enfant Le corps, de la transformation mélancolique, tel que nous le présente le sébum puant qui transpire, annonce l’asphyxie, la mort, et la disparition de l’objet. Son trait qui pourrait paraître, dans ce lien à l’objet perdu, serait plutôt cette marque de déchirure qu’indique le complexe de sevrage. Sa cage thoracique, qui comme un ballon gonflé, serait prête à s’envoler vers la reconquête fantasmatique de l’autonomie, ne serait que la figuration d’échec fixé par la chute mélancolique . Il s’agit d’un retrait d’investissement libidinal mélancolique, mais où s’ébauche, tout de même, par le corps, la tentative d’abandonner l’objet oral de l’incorporation narcissique indentificatoire. L’angoisse est telle, massive et archaïque, qu’elle le bloque en ce passage entre objet oral et objet anal, pour ensuite passer au stade génital. C’est l’angoisse du retour à la mère qui pointe. Mais ce serait aussi, si l’on reprend l’hypothèse d’Andrée Green, : « ce qui caractériserait le destin d’une forme d’organisation pulsionnelle qui s’appliquerait à la psychosomatique, ce serait la rupture précoce du lien de la pulsion avec le futur objet ; la désolidarisation de la composante énergétique pulsionnelle de l’objet qu’elle vise et qui erre alors à la dérive, sans trouver de destinataire (…) L’espace immense qui le réveille en sueur, ferait fonction d’écran à une pulsion non advenue, L’objet de l’angoisse n’existe pas. Nous avons vu comment le souffle, par son immatérialité, 22 Freud S. Conférence d’introduction à la psychanalyse, Gallimard 1999, p.502 in, La séparation, rfp n°2, 2001, Puf, p.350.
23 J.L. Tristani, op.cit., p 63.
24 A.Green, in Bouchet-Kervella, Maladie et autodestruction, Revue des revues, rfp, n°32, 2007, in rfp,n°1 Tome LXXIII, puf, janvier 2009, pp210-211. l’incarne à perfection. Mais le néant, auquel l’angoisse confronte le jeté-au-monde, à l’air cosmique, à l’ extérieur du Sein, trouve dans le souffle, le mot privilégié au cœur de la vie et de la mort du sujet. Le cauchemar de Christophe serait une décharge de l’angoisse figurée par l’immense espace qui déclenche la phobie. L’affect qu’elle provoque se décharge contre lui : cet évitement des motions pulsionnelles pour l’objet revient sous la forme insatisfaisante de l’effet traumatique cauchemar, qui prendrait presque une forme d’asphyxie face au Titan « C e m on s tr - h o m me , q u ’ é ta i t m o n p è r e d é mo n b r i l la n t » .
« Cet homme » corrige le lapsus « Ce monstre » : Christophe présenterait ainsi l’imago monstrueuse de l’Œdipe non résolu. Cet homme n’est pas un père, ni même un homme, donc. Puisque être un homme c’est porter la marque de la castration de l’être au monde, et, encore plus, de l’ être père. Si Christophe est avide de jouissance, ne le serait-il pas au nom du « père démon et brillant »? Mais à qui il n’a pu s’identifier; il l’a incorporé dans Les phases maniaques de Christophe se réalisent en présence de copains, dont il parle avec des yeux luisant de bonheur. Freud a pu concevoir l’humeur maniaque comme le triomphe sur l’objet jadis aimé, puis abandonné et introjecté . L’ombre de l’objet qui était tombée sur le moi s’en est retirée. Le sujet respire et s’adonne à une véritable orgie de Un trop de père face auquel il asphyxie, dans ce cri nocturne qui ne peut être entendu et qui se réfère à l’angoisse. C’est le père de la horde qui prime sur celui de la sexuation : « Pour FREUD, la manie a le même contenu que la mélancolie et constitue seulement une fuite devant la mélancolie. M. KLEIN croit qu'elle constitue aussi une défense contre l'invasion paranoïaque et son élément central est le sentiment de toute puissance qu'expriment la domination et la conquête de l'objet introjecté. Le Moi, ajoute-t-elle, 25 Freud S.(1915), L’inconscient, op.cit. p. 93.
26 Assoun P.-L., L’énigme de la manie, les éditions arkhê, 2010, pp.67-69.
s'empare de l'objet par un mouvement de cannibalisme, que FREUD a appelé lui-même le festin ou le banquet (Fest) mais avec une sorte d'insouciance qui l'en détache, alors que dans Ce serait donc, le paradoxe du sentiment de culpabilité, de cette dévoration cannibalique, qui l’empêche d’y accéder ? Ou bien cette fascination ne tient qu’à l’ambivalence qu’elle sous-tend ? La fascination du père le tiendrait dans un entre-deux- stades, voir trois, puisque l’ambivalence traverse les stades oral tardif, sadique anal primaire et secondaireChristophe aujourd’hui à idéaliser son père . Le lapsus nous inviterait presque à traduire ainsi son propos : « j’aime passionnément ce monstr-homme qu’est mon père, ainsi C’est le trait d’union qui manque, donc, pour que le deuil impossible de la Chose se traduise en processus normal du deuil de l’objet. Ce trait d’union est l’identification primaire au père de la préhistoire individuelle La phobie vient à la place du père qui pourrait le maintenir vraiment au sol, le père symbolique. Père orthopédique à manipuler, à contrôler, à travers cette machine d’oxygène qui réanime l’objet mort à l’intérieur de son organe, les poumons ; cela pourrait se traduire en : « père ne vois tu pas que je m’essouffle? ». La phobie, n’est-elle pas une suppléance et un appel au père? L’air stagnant des grandes surfaces a remplacé le grand air de la folie parricide, qui participe aussi de ce rêve phobique.
Mais en faire un rival, ce serait admettre que l’objet est perdu. Le jaloux est un sujet « mélancoliforme » qui au lieu d’avoir un « objet mélancolisé » il a un riva Le contrôle obsessionnel se jouerait dans l’anticipation de la perte. Ici ce n’est pas le cas, car Christophe ne perd que son souffle. Si Christophe pouvait rager contre ce père, il ne serait plus dans le deuil de la chose mais dans la rage, qui, elle, finit par l’asphyxier. Comment assister au coït des parents en directe? Christophe dans son se voit tout, dans sa chambre. Impuissant, alors, face à la vérification d’une perte ? L’angoisse le déborde l’empêche d’aller vérifier la perte figurée par cet immense espace qui sépare les deux chambres.
27 Ey H.(1948-1954), Études Psychiatriques, CREHEY, 2007, version numérique, p.147.
28 Abraham K., in Lacan J.(1932), op.cit. p.258.
29 Kristeva J. op.cit.
30 Cf. : Assoun P.-L., Leçon psychanalytique sur la jalousie, Antropos, Paris, 2000.
Ce cauchemar, dans lequel il devient tout petit dans la chambre, renforcerait ce dont Christophe a conscience : que sa rivalité avec son père est impossible à exprimer ; il est écrasé par l’agoraphobie du rêve, provoquée par son désir oedipien refoulé. Lui seul a osé résister à ce monstr(homme). Mais la culpabilité l’attrape en le clouant au lit face à cet espace immense à conquérir, l’espace maternel de l’Œdipe ou l’immense effort à faire pour dépasser ce trop de « Pour nous, le renforcement pathogène du surmoi dans l’individu se fait en fonction double : et de la rigueur de la domination patriarcale, et de la forme tyrannique des interdictions qui resurgissent avec la structure matriarcale de toute stagnation dans les liens domestiques Mais « la torture que s’inflige le mélancolique et qui, indubitablement, lui procure de la jouissance, représente, tout comme le phénomène correspondant dans la névrose obsessionnelle, la satisfaction de tendance sadique et haineuse, qui, visant un objet, ont subi de cette façon un retournement sur la personne propre L’angoisse de castration le met dans cette posture masochique de se faire punir par le père.
La punition pourrait être cet autre clé de lecture du cauchemar qui ramène Christophe, de manière répétée, au traumatisme vécu. Cauchemar qu’il qualifie de « rêve éveillé », car il n ‘était pas toujours sûr de dormir. Il est donc fixé, comme ce qui est contraire au principe de plaisir.Quel est ici le rôle de la répétition ? Le sujet est débordé par l’irruption de la scène primitive, l’angoisse n’a pas joué son rôle de signal ; et quelque chose ne se laisse pas oublier. Il est tout petit face à ce père imaginaire qui ne connaît pas de castration. Représentation « inconciliable » est refoulée dans l'inconscient, celle d’être à la place du père dans la scène à côté. L'énergie libérée dans le préconscient est placée sur une autre représentation, l’espace immense de la chambre, qui devient phobogène. Le contre- investissement renforce ainsi le refoulement. Le complexe de castration fonctionne comme une phobie, là où le débordement pulsionnel, non maîtrisable, prend figure de l’immensité.
31 Lacan J.(1938), op.cit.
32 Freud S.(1915 e [1917]), op.cit., p 159-160.
33 Freud S., , Au-delà du principe de plaisir, Œuvres complètes, volume 15, PUF, Paris,1996.
Lorsque Christophe évoque la perception que sa fille a eu de la scène sexuelle des parents et il nie toute possibilité d’avoir, lui, entendu ou vu ses propre parents. Il se reproche de lui avoir infligé, à son insu, cette expérience, qu’il décrit comme traumatique alors que sa fille en fait un argument pour le désister de son autorité. Son épouse, « dragon ménager », à qui il ne faut surtout pas lâcher sa bourse, fait office de père, et se charge de la protestation virile dont Christophe se laisse déposséder. Cela viendrait renforcer : « L’ambivalence narcissique selon laquelle le sujet s’identifie à sa mère et identifie l’objet d’amour à sa propre image spéculaire, la relation de sa mère à lui-même donnant la forme où s’encastrent à jamais le mode de son désir et le choix de son objet, (…) objet qui reproduit un moment de son double ; enfin, au fond du psychisme, l’intervention très proprement castrative par où la mère a donné issue à sa propre revendication virile Dans le cas de Christophe, ce n’est pas le souvenir refoulé de la « scène » traumatisante qui est en cause mais plutôt l’aspect de régression libidinale, qui lui amène un équilibre dans sa recherche de jouissance (que lui seul connaît). La manière dont il présente la scène avec un dégoût si bien caricaturé que l’on a presque du mal à croire que cela ait pu La fixation à la mère entraîne l’exclusion d’une femme à aimer. Son épouse n’est pas dans le même mode maternel que sa propre mère, et Christophe rivalise avec elle dans le rôle maternel. Il lui montre ce que c’est d’être mère, « totalement dévouée ». C’est lui qui occupe cette place : il couve sa fille qui le lui reproche. Son épouse, par sa tyrannie domestique, lui confisque le rôle paternel d’autorité, avec lequel Christophe ne veut surtout pas rivaliser. Il ne peut dépasser le père, si ce n’est par la crise maniaque, dont l’envol est menacé d’agoraphobie. De ce circuit de tension qui se rejoue dans son noyau familial, se dégage l’asphyxie du rêve, donc le souffle emballé, qui le fait revenir à la jouissance des soins à Le moi triomphant des grands espaces, de la folie idéale, où nul père existe, s’écrase dans la chambre d’un hôpital, car cette jouissance n’a qu’un temps. Le triomphe cède à l’angoisse de castration qui déborde mais qui le protège de la sidération. L’histrion, caricatural, à qui le théâtre « a donné le droit à la différence », fait figuration de l’instance surmoïque, non intégrée. La formation du Surmoi liée au déclin du complexe d’Œdipe, serait-elle si précaire qu’elle ne peut se jouer que sur une mauvaise scène de théâtre, par une prosodie caricaturale : « Ah non pas l’ombre d’une jalousie … ». Traversée inaboutie du complexe par un trop de père ? Qui ne l’ autorise même pas à être jaloux ? Le psychotique joue tous les rôles du monde car il manque le cœur de l’oignon du pè Puisque c’est bien d’un père présent, et même trop, dont il s’agit. Mais il manque dans le langage de l’Autre, de celle qui dit « je fais avec ». « La forme dégradée de l’Œdipe. (.) », serait lisible dans ce tableau, « par un abâtardissement narcissique de l’idéalisation du père, qui fait ressortir dans l’identification œdipienne l’ambivalence agressive immanente à la primordiale relation au semblable L’introjection du père semble avoir échoué dans la mission finale, celle de donner lieu à l’identification. Bien au contraire : il le transpire, il l’éjecte des pores, puisque il ne peut éditer son malheur autrement que par des orifices silencieux. Sa voix n’est pas suffisamment grave pour l’expulser en vociférant. C’est par un autre organe respiratoire, la peau, que Christophe figure une tentative d’éjection Le cadavre du festin se liquéfie, et s’écoule sous forme de sébum silencieusement par les pores. La mélancolie marque bien la fin du festin.
Et cette fin n’appellerait-elle pas une punition bien méritée ? Mais la névrose stabilisée de l’enfer somatique, par régression, telle que peut être une névrose d’auto-punition est uni alors que la punition de Christophe demeure ambivalente, et mon analyse ne s’étendra pas plus loin. exprime à son envers Dans l’histoire que le patient rapporte, c’est le père qui dévore la famille ! Il les « plume », même. Il n’y en a qu’un qui jouit . Le père de la horde, ce père menaçant, humiliant et hors-concours, de son enfance. Il survit à tout le monde. Version du père ambivalente, qui se polarise en père-version du passé et version idéalisée du « père bonheur » du présent, puisque ce père est devenu papi. Qu’y a-t-il réellement de changé ? Abandonner le 35 Remarque empruntée à Paul-Laurent Assoun en séminaire de mémoire.
36 Lacan J.(1938), op.cit.
37 Assoun P.-L., L’énigme de la manie. op.cit.
38 Lacan J(1938), op.cit.
père cruel c’est aussi abandonner le festin primitif. Mais surtout, il n’y a plus rien à lui envier. Puisque l’ambivalence haine-amour, en tant que conflit interne, impossible à projeter à l’extérieur, ne se transformant pas en jalousie, par l’opérateur oedipien de la castration, lui joue un mauvais tour pathogène. Et, c’est face à la castration du vieillissement, marque portée enfin par son père et par ses vieux amis, que Christophe ne risque plus « de problème relationnel », et surtout ne risque plus d’éveiller en lui une quelconque ombre d’envie . Ou, si, peut-être mais avec un petit « e ».

Source: http://psychologueparis75009.fr/files/p/A-bout-de-souffle.pdf

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